Toute l'histoire du tableau

Le casque et le bouclier de Charles IX est certainement le chef-d’œuvre de Blaise Alexandre Desgoffe. Car il s’agit non seulement de la plus grande des toiles (202 x 144 cm) qu’il a jamais réalisées, mais encore de la plus ambitieuse quant à la complexité des objets traités. Or, pour tenter un tel pari sans risquer de s’attirer les foudres d’une critique de plus en plus sourcilleuse, il fallait que son auteur se sente parvenu au summum de son art. Ce qui était le cas.

Ce tableau fut pour la première fois présenté à l’exposition officielle du Salon annuel de peinture et de sculpture qui s’ouvrit le 1er mai 1877 au palais des Champs-élysées (dit de l’Industrie et des Beaux-Arts, celui-ci fut remplacé en 1900 par les Grand et Petit-Palais). Les appréciations furent souvent élogieuses et nombre des articles parus dans la presse du temps en témoignent (voir ci-contre notre rubrique intitulée Les critiques de l’époque).

On parla de Blaise Desgoffe jusqu’aux USA (cf. le New York Tribune, sous la plume d’Alfred Victor Frankenstein), où il exercera une forte influence notamment sur les peintres William Merrit Chase (1849-1916) et William Michael Harnett (1848-1892). On n’y manqua pas de citer notre chef-d’œuvre : The Helmet and the Shield of Gold of Charles IX., the Spur of Charlemagne, a Carbine of the Fifteenth Century, a Missal and a Gate of the Gallery of Apollo at the Louvre.

Cette toile fut représentée hors concours au Salon suivant. Blaise Desgoffe avait déjà réexposé beaucoup de ses peintures dans le passé, mais en 1878 il en accrocha plusieurs autres au sein de l’Exposition universelle. Puis, au mois de septembre, le ministère de l’Agriculture et du Commerce lança une souscription nationale d’encouragement aux Beaux-Arts et à l’Industrie, avec à la clé une loterie (pour financer l’Expo) et des œuvres d’art à gagner. Cf. la 1ère colonne du Journal de Tournon en cliquant sur ce lien : JDT.

Le tirage de cette loterie débuta le 15 janvier 1879 dans la salle des fêtes de l’ancien palais du Trocadéro. La toile de Blaise Desgoffe, vraisemblablement à la suite d’un achat par l’état, était classée comme 15ᵉ prix (mais 5ᵉ tableau) parmi les 73.500 lots prévus, donc réputée valoir entre 10.000 à 15.000 francs or. Dans Le Journal de l’Ain on apprend que, sur plus de dix millions de tickets émis, celui portant le n° 847.104 de la 11ᵉ série ouvrait droit à la posséder. Qui en était l’heureux détenteur ? A-t-elle été revendue par la suite ? Nul n’a pu l’établir à ce jour. Cf. la 3ᵉ colonne dudit journal en cliquant sur ce lien : JDA.

Blaise Desgoffe est un nom complètement oublié du grand public. Pourtant, il est exposé dans les plus prestigieuses collections internationales, qu’elles soient publiques ou privées. Quant à ce tableau, qui fut longtemps entreposé dans un ancien garage particulier du quartier d’Auteuil à Paris, il avait été tellement négligé qu’en 2008 il échappa de fort peu à la poubelle s’il n’avait été récupéré, in extremis, des propres mains de ses héritiers. Il était alors si sale et en si mauvais état qu’il fallut le faire restaurer selon les meilleures règles de l’art par une spécialiste agréée des Monuments historiques. Ce n’est qu’ensuite, et après une longue enquête, qu’ont pu être retrouvés son titre d’origine et son histoire, grâce aux objets dûment inventoriés qu’il représente. Jusqu’en 2012, à notre connaissance, cette œuvre n’avait jamais encore été photographiée, copiée ni reproduite par quelque procédé que ce soit.
 



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